Le terme “relation toxique” est devenu courant et synonyme de poison relationnel. Il décrit très bien, de façon simple et efficace, ce mal-être persistant que peuvent ressentir des personnes dans leur couple, au sein de leur famille, dans une relation amicale ou dans le cadre d’une relation de travail. Il évoque ces relations et interactions souvent quotidiennes, qui épuisent, où l’on se sent vidé, manipulé, pris au piège. Dans les conversations aujourd’hui, il est évident qu’il existe des personnes “toxiques” — à fuir pour se protéger. L’invention contemporaine de cette expression bien caractérisée a permis à de nombreuses personnes d’enfin « faire passer » le message de leur douleur psychique et c’est un réel progrès en matière de santé mentale.
Mais de mon point de vue, celui d’un thérapeute de l’école de Palo Alto, je vais poser le problème autrement. Mon seul objectif est que la personne qui vient me voir se sente mieux le plus rapidement possible.
Voici comment :
L’approche de Palo Alto explore les interactions et ne cherche pas à valider ou invalider des « étiquettes ». Elle invite à quitter la logique du “l’un fait du mal à l’autre” pour regarder comment le système relationnel s’organise.
Car je pars de cette réalité que dans une relation, personne n’agit dans le vide : chaque comportement influence et est influencé par l’autre.
Un thérapeute systémicien ne vous dira donc pas “Cette personne est toxique pour vous.” Même si elle le pense à titre personnel, mais repèrera avec la personne qui demande son aide, quel type de « danse relationnelle » s’est installée entre les protagonistes — et en quoi et comment ces interactions, ces paroles, ces actions, vous fait souffrir ?”
elle le fera avec délicatesse et empathie, mais elle interrogera autrement la relation. Pas par croyances ou par préjugé moral, mais pour une question d’efficacité.
Dans ces relations douloureuses, on retrouve souvent les mêmes schémas :
Plus l’un cherche à apaiser, plus l’autre s’agace.
Plus l’un se tait, plus l’autre insiste.
Plus on essaie de comprendre, plus on se perd.
Ces dynamiques forment des boucles de rétroaction : chacun réagit à l’autre, parfois en croyant bien faire, mais renforce bien malgré lui le problème.
C’est ce que L’Ecole de Palo Alto appelle des tentatives de solution inefficaces : des manières de vouloir arranger les choses, les relations qui, à force d’inefficacité, les figent.
>On dit alors, pardon pour ce langage technique, que les réponses se sont « chronicisées », en d’autres termes, elles sont devenues automatiques, univoques, et ne font que resserrer le « noeud » un peu plus à chaque fois.
Nommer une relation “toxique”, c’est poser un diagnostic. C’est absolument nécessaire pour être entendu dans sa douleur. Mais regarder ensuite la relation comme un système bloqué, c’est ouvrir la possibilité du changement.
Mon travail consiste alors avec mon client à :
– Observer, décrire les schémas répétitifs.
– Identifier les moments où le cercle se resserre.
– Explorer d’autres façons de répondre, parfois contre-intuitives.
Ce n’est pas toujours “quitter” la relation — parfois, c’est changer la manière d’y être. Parfois aussi, c’est choisir d’en sortir, mais avec lucidité, et non comme une fuite.
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>L’école de Palo Alto nous propose d’observer et d’intégrer une chose essentielle :
Ce n’est pas la nature des personnes qui empoisonne les liens, mais la rigidité des échanges qui finit par les rendre invivables.
>En comprenant le fonctionnement de ces boucles, on retrouve de la liberté : celle de répondre autrement, d’agir plutôt que de subir, d’écouter sans se dissoudre.
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>Les relations dites “toxiques” existent bien dans leurs effets : elles font mal, parfois très mal au point de mettre la vie en grand danger.
Mais si l’on cesse de les penser en termes de poison, on peut enfin les voir comme des systèmes bloqués — et donc, des systèmes transformables. Et sortir de ces boucles délétères, en urgence, ce qui est la seule voie souhaitable.
Changer une interaction, c’est déjà commencer à guérir la relation. Ou se guérir de la relation.